Army recognition: L’incertitude de la France face aux défis du futur système de combat terrestre principal
L’incertitude de la France face aux défis du futur système de combat terrestre principal .
Le 4 décembre 2024, lors d’une audition parlementaire sur l’économie de guerre, Emmanuel Chiva, délégué général à l’armement (DGA), a abordé les questions relatives à l’avenir du système de combat terrestre principal (MGCS). Cette initiative conjointe franco-allemande représente un programme ambitieux mais complexe destiné à remplacer les chars français Leclerc et allemands Leopard 2. Elle reste cependant confrontée à des incertitudes persistantes, notamment des désaccords industriels et des échéances lointaines.
Le char Leclerc Evolution dévoilé à Eurosatory 2024 à Paris, doté de la tourelle ASCALON de pointe capable de passer de 120 mm à 140 mm, mettant en valeur la puissance de feu et l’adaptabilité de nouvelle génération. (Source de l’image : Army Recognition)
Chiva a souligné que le MGCS ne se résume pas à la mise au point d’un nouveau char lourd. Il vise à créer une famille de systèmes interconnectés, comprenant des chars, des drones et des robots, intégrés dans un « cloud de combat ». Malgré sa vision ambitieuse, le projet, qui devrait devenir opérationnel vers 2040, présente des défis importants, notamment en ce qui concerne le maintien des capacités opérationnelles actuelles jusqu’à son déploiement.
Le MGCS a été lancé en 2017 pour fournir un char de nouvelle génération, avec la collaboration des sociétés françaises Nexter (qui fait partie de KNDS) et Thales aux côtés des sociétés allemandes Krauss-Maffei Wegmann (également membre de KNDS) et Rheinmetall. Le projet a reçu un nouvel élan en avril 2024 grâce à un accord visant à l’organiser autour de huit piliers technologiques répartis à parts égales entre les deux nations.
Le programme se heurte néanmoins à de multiples obstacles, notamment des désaccords sur les choix technologiques et le partage des responsabilités, qui entraînent des retards notables. Ces tensions remettent en question la viabilité de la coopération franco-allemande en matière de défense. De plus, des développements concurrents, comme le partenariat de Rheinmetall avec l’italien Leonardo pour produire le char Panther KF51, ajoutent une pression supplémentaire, remettant en cause la pertinence du MGCS dans le paysage de défense européen.
Pour remédier à ces retards, Chiva a confirmé que des efforts sont en cours pour prolonger la durée de vie opérationnelle du char Leclerc jusqu’en 2040. Il a également évoqué une potentielle « solution intermédiaire », déjà proposée par KNDS France, impliquant un modèle Leclerc modernisé équipé d’avancées comme le canon ASCALON.
La DGA a également évoqué la possibilité que la France et l’Allemagne développent des chars lourds distincts au sein d’une architecture commune. Cette approche pourrait répondre aux besoins spécifiques de chaque nation tout en préservant des éléments collaboratifs. Une telle initiative nécessiterait cependant un financement national, ce qui pourrait refléter une certaine indépendance stratégique, notamment pour la France.
Malgré les défis, Chiva a exprimé son soutien à l’innovation française, citant ASCALON comme une avancée technologique majeure. Il a souligné que la loi de programmation militaire française a été conçue pour éviter les déficits de capacités, même si le redémarrage des lignes de production reste une question complexe. Bien qu’aucun détail n’ait été fourni sur un éventuel « plan B », il a souligné l’importance de favoriser l’innovation et de surmonter les obstacles logistiques.
Le MGCS et le Future Combat Air System (SCAF) incarnent tous deux les ambitions franco-allemandes de renforcer l’autonomie stratégique de l’Europe en matière de défense. Ces programmes visent à intégrer des technologies avancées, telles que l’intelligence artificielle et les systèmes interconnectés, dans des plateformes de combat de nouvelle génération. Cependant, depuis leur lancement en 2017, tous deux ont été confrontés à des défis industriels et politiques, retardant les progrès et suscitant des inquiétudes quant à leur avenir.
Ces difficultés mettent en lumière des problèmes plus vastes dans la construction d’un cadre de défense européen efficace. Les différends autour du MGCS et du SCAF soulignent la complexité de la coopération multinationale en matière de défense, où les intérêts nationaux peuvent entrer en conflit avec les objectifs collectifs. Pour parvenir à une véritable autonomie stratégique pour l’Europe, il faudra aligner les priorités des États membres, favoriser la cohésion industrielle et surmonter les obstacles existants. Le succès de projets comme le MGCS et le SCAF est crucial pour les aspirations de défense de l’Europe et son rôle sur la scène mondiale.